Bright Eyes
Lifted, or, The Story is in the Soil, Keep Your Ear to the Ground
/saddle creek; 2002/

 

 

 

more info:
www.saddle-creek.com

Before writing this review, I hardly knew anything about Bright Eyes. I had just been charmed by a couple of songs I had heard here and there and I got the album. After some quick researches, I have learnt that:

1) Bright Eyes just consists of 22 years-old Conor Oberst who comes from Omaha, Nebraska. 

2) His discography is already fairly large since the young man released his first songs about ten years ago.

3) This album is supposed to get Conor Orbest out of the woods, out of this major song writer position. Mainstream rock critics from both Atlantic sides seem to have just discovered the guy they lazily see as a “new Dylan” (a comparison which is quite valid though).

We may notice that this growing echo comes with a usual mistrustful reaction on the part of his first fans, a happy few grousers who lose their favourite one because they don’t accept to share him with less connoisseur individuals and who dishonestly deplore in some reviews I’ve seen surfing the net that the kind of songs they enjoyed before hence sound self-satisfied, calculated, déjà-vu.

However, we have to acknowledge that such reactions sometimes rely on real facts (and not only on rock snobbery) and especially on this stupid tendency that the disc industry has to build their artists’  career the same way capitalist companies are compelled to expand in order to stay alive. From an album to the other, groups are often obliged to sell more and more obviously but to spend more time recording as well, to demand more means (more expensive studios, more musicians – a string section is often requested for instance, a most reputable producer…). For merchants as it is for a part of the rock critic, artistic ambition is often confined to its utmost shallow manifestations (exterior signs of artistic ambition if you will).

In my opinion, Bright Eyes album is to be distinguished from this trend: the big means at his disposal do not choke Conor Orbest’s passion and sometimes even seem to sublimate it. One of the main assets is his feverish voice which has kept some teenage intonations, a voice which constantly passes from exasperation to exhausted softness or to naive elation and which above all always seems on the verge of explosion: every song has its lot of wild yelling. It can irritate but it is often very impressive (the long and furious folk drift opening the album ‘The Big Picture’ is a fine example).

The various musical styles from a song to another (sometimes even in the same song) might nonetheless bewilder the listener at first. Besides the two “fighting folksongs” (‘The Big Picture’ and ‘Waste of paint’) reminiscent of former Bright Eyes style, ‘Method of Acting’ ends on an epic cavalcade à la Morricone. ‘False Advertising’ starts as a The Platters ballad and ends up as a high-sounding waltz. ‘Lover I don’t have to love’ and ‘From a balance beam’ are both straightforward and nervous pop songs. ‘Bowl of Oranges’ and ‘Nothing gets crossed out’ are cute little naïve ballads reminding me of Belle & Sebastian. ‘Make War’ and ‘Laura Laurent’ could be defined as ‘alcoholic country’ songs. ‘Don’t know when but the day is gonna come’, one of the best songs on the album, evokes the dark America of Dead Man soundtrack by Neil Young and ends up in a downpour of menacing strings. Finally, ‘Let’s not shit ourselves…’ closes the album with a long enthusiastic and fresh folk-rock song à la Dylan (thanks to the music and the lyrics in which the distance that the author uses reveals the absurdity of the world he’s looking at).

Added to this large stylistic diversity, the production which is at once neat, ample (many musicians play on most of the songs), untidy and even lo-fi give to this album a cheerful aspect of anarchy and makes it difficult to classify and to comprehend for the listener. Anyway, it is really worth of being tamed for its passion and its rage, for the intimate link you establish with the singer, and broadly speaking for the rare warmth that comes from most of the tracks. We may for example mention the ending of ‘Laura Laurent’ (which by the way reveals Oberst’s ability to underline his lyrics by his music, to give it another dimension, which is a fairly rare talent in rock music).

« But you should never be embarrassed by your trouble with living. Because it is the ones with the sorest throats who have done the most singing. EVERYBODY!!! » shouts the singer with all his heart, ‘la la la’ answers an approximate and enthusiastic drunk choir apparently made of « Everyone who was drinking at Duffy’s and O’Rourke’s that night ».

In those kind of moments, Oberst soars almost to the height of Tom Waits (’Inocent when you dream (barroom)’) who manages to make almost a universal song out of a generic piece overloaded with clichés.

-Long Tall Guillaume, translation by Blacklisted Igor

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in french/en français :

Avant de m’attaquer à cette chronique, je ne savais  à peu près rien de Bright Eyes. J’avais seulement été séduit par deux ou trois morceaux entendus ça et là et m’était procuré l’album. De rapides recherches m’ont appris :               

1. Que Bright Eyes se résume au seul Conor Oberst, 22 ans, originaire d’Omaha, Nebraska.

2. Que sa discographie est déjà pléthorique, le garçon ayant diffusé ses premières chansons il y a presque 10 ans.

3. Que cet album est censé tirer Conor Oberst de l’ornière que constitue le statut de « songwriter culte ». La presse rock « institutionnelle » des deux côtés de l’Atlantique semble découvrir celui en qui elle se contente de voir paresseusement un « nouveau Dylan » (une comparaison pas entièrement injustifiée d’ailleurs).

On peut noter au passage que cet écho grandissant s’accompagne d’une réaction de défiance assez classique des « fans de la première heure », happy few ronchons qui perdent leur bébé faute d’accepter de le partager avec des gens « moins pointus » et qui dans les quelques articles que j’ai pu lire sur le web déplorent avec une bonne dose de mauvaise foi que des morceaux du type de ceux qu’ils ont aimé autrefois sonnent dorénavant « auto-complaisant », « calculé », « déjà dit ».

Il faut toutefois reconnaître que de telles réaction s’appuient parfois sur des faits bien réels (et pas uniquement sur ce qu’il n’est rien d’autre qu’une forme rock n’ roll de snobisme) et notamment sur cette tendance absurde de l’industrie du disque à concevoir la carrière des artistes à la façon de l’évolution des entreprises capitalistes qui sont contraintes de grossir sous peine de disparaître. D’albums en albums, les groupes sont donc bien souvent obligés de vendre de plus en plus évidemment mais aussi de passer plus de temps à enregistrer, de mobiliser plus de moyens (studio plus cher, musiciens plus nombreux –la présence d’une section de cordes est par exemple conseillée-, producteur réputé…). Pour les marchands comme pour une part importante de la critique rocks, « l’ambition artistique » se réduit bien souvent à ses manifestations les plus superficielles (si l’on veut à des « signes extérieurs d’ambition artistique »).

L’album de Bright Eyes échappe à mon avis à cette tendance : les « grands moyens » mis à sa disposition n’étouffent pas la passion de Conor Oberst (et même parfois la sublime).

Un des ses premiers atouts c’est sa voix fiévreuse, une voix qui gardé quelques intonations adolescentes, qui passe sans cesse de l’exaspération à une douceur épuisée puis à une exaltation naïve et qui surtout semble toujours au bord de l’explosion : pas une chanson qui ne comporte son lot de hurlements sauvages, ce qui peut agacer mais qui est souvent très impressionnant (la longue et rageuse dérive folk qui ouvre l’album –‘the big picture’ est un bon exemple).

La variété des styles musicaux d’un morceau à l’autre (et même parfois à l’intérieur d’un même morceau) peut néanmoins déstabiliser au premier abord. Outre les deux « folksongs combatives » (‘The big picture’ et ‘Waste of paint’ –plage 10-) représentatives de la première manière de Bright Eyes, ‘Method of acting’ –plage 2- se termine en chevauchée épique à la Morricone, ‘False advertising’ –plage 3- débute comme une ballade dans le style des Platters et finit en valse ronflante, ‘Lover I don’t have to love’ –plage 5- et ‘From a balance beam’ –plage 11- sont deux chansons pop directes et nerveuses, ‘Bowl of oranges’ –plage 6- et ‘Nothing gets crossed out’ –plage 8- de jolies ballades naïves qui rappèlent Belle and Sebastian, ‘Make war’ –plage 9- et ‘Laura Laurent’ –plage 12- donnent dans ce que l’on pourrait appeler la « country éthylique », ‘Don’t when but a day is gonna come’ –plage 7, un des meilleurs morceaux de l’album- évoque l’Amérique noire de la BO de Dead man par Neil Young et s’achève dans un déluge de cordes menaçantes et enfin ‘Let’s not shit ourselves….’ –plage 13- clôt l’album sur un long folk-rock dylanien (aussi bien au niveau de la musique que du texte où la distance avec laquelle l’auteur observe son monde révèle toute son absurdité) plein d’enthousiasme et de fraîcheur.

En plus de cette grande diversité stylistique, la production à la fois soignée et ample (un grand nombre de musiciens joue sur la plupart des morceaux) et désordonnée voire lo-fi qui donne à l’ensemble un air de joyeux foutoir contribue à faire de cet album un objet difficile à classer et à cerner pour l’auditeur.

Mais il mérite réellement que l’on prenne la peine de l’apprivoiser ne serait-ce que pour la passion et la rage qui le traversent de bout en bout, le lien intime qui l’on établit avec l’auteur, et plus généralement pour l’exceptionnelle chaleur humaine qui se dégage de la plupart des morceaux. On peut à titre d’exemple citer le final de ‘Laura Laurent’ (final qui révèle accessoirement la capacité qu’a Conor Oberst à souligner le texte par la musique, à lui donner une autre dimension, un talent assez rare dans le rock) :

« But you should never be embarrassed by your trouble with living. Because it is the ones with the sorest throats who have done the most singing. EVERYBODY!!! » hurle le chanteur de toutes ses forces, lui répondent les “la la la” d’un “Drunk choir” approximatif et enthousiaste dont on apprend qu’il est composé de « tout ceux qui buvaient chez Duffy et O’Rourke cette nuit là » (« Everyone who was drinking at Duffy’s ans O’Rourke’s that night »). Dans des moments comme celui là, Conor Oberst s’élève quasiment à la hauteur du Tom Waits d’’Inocent when you dream (barroom)’ qui arrive à faire d’une pièce de genre surchargée de clichés une chanson presque universelle.

-Long Tall Guillaume, translation by Blacklisted Igor

/mar 15th 2003/