Don Nino
nov 12th 2001 - Toulouse, FR
by SEB WOOd and Gilles Delenbaum 


Comment s’est passé l’enregistrement de l’album de Don Nino ?? Qu’est-ce que tu as voulu faire exactement ?? 

L’enregistrement participe pleinement à l’esthétique de l’album. C’est mon frère qui l’a enregistré et il y avait une transparence entre lui et moi qui nous permettait d’être dans des conditions assez exceptionnelles. On se connaît par cœur donc j’avais l’impression d’enregistrer tout seul. C’était très agréable. On avait jamais de contrainte de temps et de lieu. Ceci participe pleinement à l’esprit intimiste du disque. L’album aurait pu être beaucoup plus intimiste si j’avais enregistrer les chansons tout seul juste guitare/voix mais j’avais envie d’aller un peu plus loin que ça, travailler sur des arrangements.

Parle-nous de cet enregistrement éclaté.

L’idée était d’arriver frais ou pas, faire 2 ou 3 prises d’une chanson, décider de la prise qu’on voulait garder pour le disque et à partir de là mettre en place le processus des arrangements. 

D’où vient le nom Don Nino ?? 

D’un dessin que j’ai fait il y a assez longtemps qui représentait des pièces de domino juxtaposées, qui s’appelait ‘The theory of dominoes’. On peut le voir sur le site du label sur la page de biographie. C’est un vieux dessin de 1995 que j’aime beaucoup et il me fallait un nom fantaisiste pour signer le dessin. J’ai choisi le mot ‘domino’ coupé en 2 qui donne donc Don Nino, avec un côté très latin, méditéranéen. Ce qui me plaît beaucoup par ce que j’ai du sang méditéranéen et ça me permet un peu de renouer avec mes origines. C’est fantaisiste. L’idée n’est pas de se cacher derrière un pseudonyme. C’est fantaisiste, c’est pour ce projet là qui est un projet solo. D’ailleurs, certaines personnes proches qui m’appelaient Nico m’appellent ‘Don’, ce qui est assez drôle. 

Qu’en est-il de Prohibition ?? 

Il est question que l’on se retrouve d’ici un an pour faire un nouvel album. Il n’y a rien d’écrit pour l’instant. 

Et NLF 3 ??

On enregistre un nouvel album en janvier. 

Est-ce que ça restera un enregistrement direct ??

On va partir sur un autre principe de travail. C’est intéressant de ne pas s’enfermer dans des méthodes de travail et de changer, d’évoluer, de se proposer des nouvelles choses. On axe les premières prises sur une formation batterie/contrebasse/Fender Rhodes. Derrière ça tout un travail d’arrangements, même si ce sont des arrangements minimalistes pour explorer d’autres choses que ce qu’on a fait là. C’était vraiment des musiques improvisées pour des films muets. Ca cadrait avec un projet bien concrêt. Là on a vraiment envie de faire un album de musique. C’était un album avec une forme d’expression improvisée et expérimentale destinée à des films muets. C’est différent de se dire qu’on va enregistrer de la musique pour des films muets ou un disque pour être un disque. 

Vous avez fait le premier album spécialement pour des films muets ??

 On avait tous les 3 l’envie de foisonner sur des musiques improvisées et un réalisateur nous a proposé ce travail. Nous avons travaillé en enregistrant les premiers jets et finalement le projet avec la cinémathèque française ne s’est pas fait, avec ce cinéaste qui est en fait très contraignant et pas du tout ouvert d’esprit. On a annulé mais on a sorti le disque. 

C’était qui ??

J’ai pas envie de faire de publicité. 

Gilles: Je ne savais pas que c’était un projet pour les films muets et j’avais l’impression que c’était  un laboratoire pour exprimer des ambiances que vous ne pouviez pas développer dans Prohibition.

 C’était pas une sorte de défouloir mais ça noua a permis d’évacuer un certain nombre de choses qu’on ne pouvait pas exprimer dans Prohibition.

Parlons du label maintenant, de sa fondation...

 L’envie de faire un label remonte à très longtemps (1991) mais le label date de 1994 et la première sortie, c’est 1995 avec ‘Cobweb day’ de Prohibition.

 Pensais-tu à l’époque que le label deviendrait une structure comme celle-ci ??

 Je pense par ce qu’ on trouvait dommage qu’à Paris il existe cette scène sous-représentée, pas du tout canalisée. Personne n’était là pour la faire exister donc on a pris le taureau par les cornes d’abord avec des réunions entre les groupes assez actifs puis on a monté le collectif ‘Jug’ que peu de gens connaissaient avec Quentin Rollet (sax de Prohibition et directeur du label Rectangle maintenant) et Marcel Perrin (batteur d’Heliogabale). Grâce à ce collectif, on a organisé pleins de concerts indé à Paris.

 Est-ce que le label marche bien ??

 C’est comme toutes les économies indépendantes. C’est fragile mais on est sur une pente ascendante au niveau de l’intérêt des gens, de la qualité et du nombre de disques que l’on sort, de l’impact en terme de  distribution des disques dans le monde. Ca va de mieux en mieux.

 Est-ce qu’il va y avoir de nouveaux groupes ??

 On va sortir le premier album de Wilfried Paris. Ca fait très longtemps que je veux sortir un album de Wilfried mais ça a toujours été très compliqué avec lui. Pour situer, c’est entre Daniel Johnston et Katerine. C’est lo-fi mais en même temps avec un charme désuet et des vraies chansons. C’est lui qui nous a fait connaître Herman Dune. Il avait sorti sa première chanson sur la même k7 que Dominique A début 90. Pour moi, ça a toujours été un personnage important dans la scène indé parisienne. Personne le connaît. Je trouvais ça absurde qu’il n’ait jamais sorti d’album. Il a seulement sorti des 45 tours dont un sur le label des Herman Dune.

 En écoutant les disques des différents groupes de Prohibited, on se rend compte que les groupes ont des influences communes en dehors de la musique (ex: Hal Hartley), ce qui donne l’impression d’une sorte de terreau culturel.

La culture du ciné indé US pèse pas mal dans notre culture. Il y a encore des gens qui me demandent pourquoi je chante en anglais, c’est grave ! Ma culture musicale vient de là-bas. Quoique au niveau du ciné, ma culture est ancrée dans le ciné européen. Je trouve intéressant dans le ciné indé US qu’ il y ait l’éfficacité de l’industrie cinématographique américaine mais adaptée à une toute petite économie. Ils sont très influencés par la culture européenne mais ils le font à l’américaine. «Just do it ». Ils prennent une caméra au poing, ils vont dans la rue et font des très beaux films. En musique, c’est très différent.

Avec ce projet Don Nino, il faut savoir que le disque vient de sortir mais que je fais ça depuis très longtemps. Avec la naissance de mon fils, je voulais sortir un disque très intimiste et sensible. Même si je pense que la sensibilité est dans tout ce que j’ai fait mais exprimée de manière très différente. Au niveau des influences musicales, des gens ont comparé à Syd Barrett ou Nick Drake et c’est des disques que j’écouté quand j’étais gamin. 

Gilles: On pourrait aussi comparer à Gastr Del Sol…

Ca me fait plaisir par ce que j’adore Gastr Del Sol mais mon album, c’est des chansons tandis que Gastr Del Sol c’est de la musique de musicologues. Moi je ne suis pas un musicologue. 

Gilles: Peut-être que je me trompe mais j’ai l’impression que jusqu’à la sortie du 1er PURR, il y avait une ligne esthétique plutôt noise et émocore et puis à partir d’HERMAN DUNE, ça s’est ouvert sur d’autres choses plus folk…

Tu sais, c’est mon frère et moi qui décidons des sorties. Si on avait pas une passion pour la musique d’Herman Dune, nous l’aurions pas sorti. C’est aussi simple que ça. On sort la musique qui nous plaît. On voulait sortir des créations européennes sous-représentées. Il s’est trouvé qu’au moment où on a démarré tous les groupes faisaient beaucoup de bruit avec leur guitare. Il y a des différences formelles mais au niveau de l’expression, je crois que c’est à peu près pareil. 

Tu veux rajouter quelque chose ??

Je suis content de jouer ici dans le sud par ce que comme je le disais tout à l’heure je suis originaire du sud.